Odette Dib

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Par Nayla TAHAN ATTIÉ

 
Le samedi 16 mai, une femme, Odette Dib, est décédée à la suite d'un accident de voiture.
Un chauffeur, ivre ou mal intentionné, quoi qu'il en soit, allait très vite, et a envoyé Odette en l'air avant qu'elle ne retombe sur l'asphalte, et qu'elle décède à la suite de ses blessures.


Odette n'est pas une femme comme n'importe quelle autre femme du monde. Ou, simplement, du Liban.
Odette est veuve depuis de longues années. Elle est aussi maman de deux enfants : Christine et Richard. Comme n'importe quelle maman jusque-là.
Deux enfants, qui auraient aujourd'hui la quarantaine. Seulement voilà :  à Odette on a enlevé Christine et Richard il y a 23 ans. Disparus, dans la nature, ensemble. Un acte, lâche, comme ces milliers d'actes et d'enlèvements qui ont eu lieu à Beyrouth et partout au Liban.
J'ai eu la chance de connaître Odette. Et de près. Et très bien. Et j'ai le malheur aujourd'hui de vivre sa disparition, même de loin. À partir d'aujourd'hui, pour moi, Beyrouth ne sera plus ce qu'elle était. Odette n'est plus.
Mais Odette était et sera toujours présente. Car c'est elle qui a dormi des nuits durant dans la « khaymit el-eetisam ».
Ces familiers d'enlevés, de disparus, de prisonniers en Syrie, ne réclament que la vérité sur le sort de leurs enfants, leurs parents, leurs frères, leurs cousins, oncles, etc. Cela fait trois ans déjà que chaque fois que j'allais au  Liban, la première visite que je faisais était à Odette. À la khaymé.
Quelle khaymé ? me demandaient certains.
La khaymé, vous ne connaissez pas ? Et c'est  comme ça que j'ai fait connaître la khaymé à plusieurs personnes libanaises, du Liban et de la diaspora, qui ne connaissaient pas la khaymé. Et à chaque fois, l'émotion envahissait tout le monde. Même des étrangers ont été à la khaymé pour connaître Odette, l'histoire d'Odette, de Christine et Richard, de tous ces familiers qui attendent encore et toujours le retour de leurs enfants, ou ne serait-ce qu'une lueur d'espoir qui annonce un éventuel retour de ces prisonniers oubliés par nos dirigeants.
Et je suis fière d'avoir fait connaître la khaymé à ces quelques personnes, car la khaymé n'a aucune connotation politique. C'est strictement un lieu humain, où règnent des émotions fortes, des larmes, des histoires vécues de gens qui attendent, depuis de longues années déjà, le retour de leurs familiers, enlevés, emprisonnés, tombés dans les oubliettes d'un État qui ne pense qu'à sucer le sang de son peuple.
À tous les Libanais du Liban et de la diaspora, je m'adresse.
Bientôt, vous allez voter. Ou non. Mais votez en votre âme et conscience.
Pour commencer à changer le fonctionnement de notre Liban.
Toute Libanaise, tout Libanais devrait se sentir familier d'un prisonnier, disparu, enlevé, pour que cette cause des prisonniers libanais en Syrie soit une cause totalement libanaise.
Toute Libanaise, tout Libanais devrait connaître la khaymé et l'histoire de la khaymé, et le pourquoi de la khaymé.
Toute Libanaise, tout Libanais, avec ne serait-ce qu'un petit sentiment libano-libanais, devrait s'arrêter un court moment à réfléchir : Et si c'était moi ? Et si on m'avait enlevé mon père, mon frère, mon oncle, ma sœur ?